A quelques six kilomètres en amont d'Hesdin, baigné par la Canche et sur la route des villages fleuris, se niche le village de Vieil-Hesdin. Ce hameau de moins de 400 habitants fut jadis l'une des plus florissantes cités de l'Artois. Son jardin d'Eden était connu jusqu'en Italie.
Au pied du château a grandi une communauté urbaine qui s'est surtout consacrée, outre son rôle de marché, au travail de la laine, dès le XIème siècle.
Artisans et commerçants avaient fait de cette ville la troisième d'Artois après Arras et Saint-Omer; au XIVème siècle, elle constituait avec sa banlieue un ensemble que l'on a estimé pouvoir compter jusqu'à 8000 habitants. La ville était ceinturée de remparts et de profonds fossés qui lui permirent, pendant plusieurs siècles, d'échapper aux calamités de la guerre et du pillage.
C'était l'une des premières villes de France à posséder une imprimerie. Elle était dotée de plusieurs fondations et hôpitaux. Jean sans Peur en fit sa base militaire et y fit fabriquer ses armes et peindre ses fanions.





De siège en siège, du prestige à sa destruction

Vieil-Hesdin connut au cours de son histoire plusieurs maîtres successifs, parmi lesquels on retiendra les Comtes de Flandres, d'Artois, le Roi de France, les Ducs de Bourgogne...
Ces derniers ont particulièrement contribué à la bonne renommée de la ville et à son embellissement. Ils ont investi des sommes importantes dans ce qu'on peut appeler une de leurs "résidences secondaires". Ils ont terminé l'aménagement du parc du château qui s'étendait au nord jusqu'à la Ternoise (et qui est devenu le territoire de la commune du Parcq sur la RD 939). C'était un lieu de prestige, où l'on exposait des "engins d'ébattement" qui devinrent célèbres dans toute l'Europe. Il fut sans doute l'ancêtre de nos parcs d'attractions. Des alliances y furent scellées, des traités signés, comme celui par lequel Charles le Téméraire acheta un comté en Alsace à Sigismond d'Autriche.
Au château même furent restaurés les appartements où s'exprimaient tous les raffinements princiers de l'époque, notamment en matière de distractions.
L'ancienne Hesdin a suscité bien des convoitises. Elle faisait en effet office de place forte frontière entre la France (au sud) et les possessions des Habsbourg (au nord). Entre 1475 et 1553, la ville a changé sept fois de maître (elle fut notamment bourguignonne, autrichienne, française et espagnole) et subit 10 sièges !
Les progrès de l'artillerie lui laissaient alors peu de chances et cette ancienne forteresse de vallée était devenue particulièrement vulnérable malgré ses hautes murailles.
Sans pitié pour une cité de 12 siècles qui avait été l'une des préférées de ses ancêtres, Charles Quint ordonna sa destruction, à l'issue d'un dernier siège. Ambroise Paré, chirurgien de François Ier et père de la chirurgie moderne, fit partie des défenseurs de la ville assiégée mais rien ne put entraver la colère de Charles-Quint, qui voulait que rien ne reste de cette ville prestigieuse. Le nouvel Hesdin, dont la construction commença aussitôt à six kilomètres de là, est d'une tout autre conception : ville en étoile aux fortifications à-demi enterrées, elle annonce Vauban.
Rasee en un mois

Furieux de ne pouvoir prendre Metz, Charles Quint prépara une campagne avec plus de 60000 hommes. Il prit Thérouanne en avril 1553 et la fit raser, puis mit le siège devant Hesdin. Les batteries impériales balayèrent les remparts, firent tomber quelques pans de mur de l'enceinte. Les Français se réfugièrent dans le château. Les Impériaux canonnèrent la citadelle nuit et jour, puis firent ouvrir des galeries sous les fondations du château. Les assiégés demandèrent la capitulation le 18 juillet. Les Impériaux entrèrent pour tout tuer, piller et saccager. Ils se conduisirent avec brutalité, parfois férocité. Ils firent exploser la poudre qui avait été placée dans les galeries sous le château et les tours s'écroulèrent.
Charles Quint ordonna que la ville et le château soient rasés et complètement détruits. Un mois plus tard, les démolisseurs avaient achevé leur œuvre : de la cité ne demeuraient debout que le couvent des Clarisses et la chapelle Sainte-Colette.
Entretenir la mémoire d'un passé tumultueux

Le sol de Vieil-Hesdin garde le bien le plus précieux qui soit : la mémoire. Il n'est pas rare de trouver dans un jardin ou une pâture un fragment de boulet de couleuvrine tiré il y a plus de cinq siècles, témoignage d'un passé aussi glorieux que tumultueux.
Négligé, voire inconnu de nos contemporains, le site de Vieil-Hesdin a vivement intéressé l'université de Boston et Chicago (USA), qui lui a consacré des travaux diffusés dans la plupart des universités américaines ainsi que l'université d'Oxford en Angleterre.
Il était donc grand temps que nous, habitants actuels de ce petit village verdoyant ou de ses environs, nous nous fassions les témoins d'un passé prestigieux, qui sommeille encore en grande partie sous nos pieds, et dont on peut voir les vestiges, et mieux encore imaginer l'apparence ancienne.....